Favoriser le travail avec les familles

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Quelle est la nature du travail avec les familles en institution et pourquoi le mot travail ? Du latin tripalum qui signifie instrument de torture, le mot aurait donc une connotation douloureuse. En est-il ainsi à l’USIS, un hôpital de jour où nous nous efforçons de transformer les liens, les modalités relationnelles auxquelles les enfants et leurs parents sont habitués ? Nous accueillons des enfants pour qui la violence et le passage à l’acte sont au premier plan. Nous pourrions dire, pour résumer, que le but des soins est de transformer cette violence brute qui fait effraction en agressivité, de lui donner du sens et de trouver des significations aux passages à l’acte, en d’autres termes de construire une narrativité. Le travail avec les familles fait partie du projet de soins qui prend en compte la parentalité et ses transformations. Pour cela l’institution a développé, en plus de ceux destinés aux enfants, plusieurs espaces destinés aux parents, certains bien cadrés, d’autres plus informels. Donner une place à ces parents est un aspect du travail qui s’avère indispensable et incontournable.

 

À l’USIS, les parents sont impliqués dans la prise en charge de leur enfant par tous les membres de l’équipe présent, chacun à leur façon. Des rencontres pensées tout au long du parcours de soin dans l’institution, depuis l’accueil des parents lorsqu’ils accompagnent l’enfant, jusqu’aux entretiens plus formalisés. En effet, il faut, d’un côté, pouvoir prendre un temps pour échanger de manière informelle, savoir entendre la réalité de ce que les parents vivent, trouver la juste distance nécessaire à un apprivoisement réciproque pas toujours naturel ; de l’autre, il faut organiser des temps de rencontre plus structurés, programmés et réguliers. Donc, à côté des échanges, pris dans la dynamique des allées et venues des enfants, des entretiens plus formalisés ont lieu. Au moment de l’admission à l’USIS les parents rencontrent la direction puis les deux soignants qui seront les référents de l’enfant tout au long de sa prise en charge. Ces derniers organiseront ensuite, de manière régulière, des entretiens avec les parents, qui permettent d’approfondir certains aspects de la vie de l’enfant pour tenter de transformer les modalités relationnelles souvent sources de difficultés et de souffrances autant pour l’enfant que pour la famille.

 

Ces différents espaces de rencontre vont permettre une approche la plus complète possible de l’enfant, à la fois de sa singularité, mais aussi du groupe famille auquel il appartient. Ils permettent également de moduler la distance à laquelle nous nous adressons à ces parents, souvent fragilisés par des événements de vie difficiles et douloureux. Ils ont souvent, depuis bien longtemps, mis en place des défenses qu’il s’agit d’abord de repérer et de respecter pour pouvoir, au fil du temps, les dénouer. Ce travail de tissage des liens est indispensable à la création d’une alliance avec ces parents, elle-même indispensable à la conduite des soins de l’enfant. L’institution fait fonction d’enveloppe, de contenant où chacun des professionnels représente une partie de cette dernière qui porte cette fonction. Chacun participe à sa création et à son bon fonctionnement qui porte, et dans la réalité et psychiquement, à un niveau plus symbolique, l’enfant et sa famille. Ce travail n’est pas toujours possible et cette impossibilité conduit parfois à des arrêts de la prise en charge. Mais heureusement l’expérience nous a montré que, même dans les situations les plus compliquées et douloureuses, il y a toujours des « parties » de la parentalité qui sont préservées et sur lesquelles les soins peuvent s’appuyer pour accompagner au mieux l’enfant.

 

Alors oui, nous pouvons parler de travail, non pas au sens de la torture, mais au sens de l’effort, de la durée, de la persévérance et de la patience. Les enfants accueillis à l‘USIS ont pour habitude de fonctionner dans le « tout de suite », dans l’agir, souvent en miroir de leurs parents qui ont trop attendu, trop espéré et trop perdu. Alors, pouvoir déconstruire ces mécanismes pour tisser de nouveaux liens intrafamiliaux plus harmonieux et solides implique au moins le travail collectif d’une institution et des parents. Sans dénier pour autant une souffrance qui accompagne forcément le soin, si l’on parle de travail psychothérapeutique c’est bien parce qu’il coûte, car l’énergie nécessaire au changement génère inévitablement angoisses et peurs, tant pour la famille, que pour l’enfant et les soignants. Le cadre institutionnel, par ses enveloppes et leurs effets contenants, tente d’en atténuer les impacts.

L’équipe de l’USIS