« Et si Alzheimer(s) et Autismes(s) avaient un lien ?... Enjeux et perspectives » - Quatrième édition de la Cause des aînés avec un colloque réunissant 30 intervenants d’horizons différents mettant en perspective ces deux grandes causes de santé publique, pour faire avancer la clinique et la recherche.
Organisé les 6 et 7 octobre 2017 par Catherine Bergeret-Amselek, psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, présidente et coordinatrice scientifique, ce 7e colloque sur les âges de la vie abordera un thème inédit, Alzheimer(s) et Autisme(s), conjuguant ainsi deux pathologies de l’extrême en apparence différentes mais ayant en commun le Sujet luttant contre la crainte de l’effondrement. Un programme sur deux jours jalonnés de multiples interventions destinées à proposer des pistes pour un travail en réseau efficace et qui s’adressera à tous les professionnels de la périnatalité, de l’enfance, de l’adolescence et de l’adulte âgé. De nombreux partenaires seront au rendez-vous dont l'association Cerep-Phymentin. Mais place maintenant à Catherine Bergeret-Amselek dans son édito figurant dans la revue Les âges de la vie éditée à l’occasion de cet événement.
« Bonjour à tous,
C’est avec beaucoup de plaisir et d’émotion que je vous accueille pour ce septième colloque sur les âges de la vie accompagné de cette “Revue du colloque” où vous retrouverez les 30 intervenants à ces deux journées de travail, d’échanges et de partage mais aussi certains des partenaires de cet événement dont l’action militante pour la Cause du Sujet méritait d’être mise en avant pour étayer le thème que je soumets cette année à votre réflexion.
De manière inédite j’ai choisi de mettre en perspective deux grandes Causes de santé publique, l’Autisme et l’Alzheimer, ici orthographiés au pluriel : “Et si Alzheimer(s) et Autisme(s) avaient un lien ?”…
Lequel, me direz-vous. De prime abord ce sont deux pathologies, oserais-je dire “deux modes d’être” bien différents. L’autisme survient à l’aube de la vie, l’Alzheimer vers le crépuscule ou ses prémices. Pourtant à cette croisée des âges de la vie nous sommes là face à ce qui nous fonde en tant qu’être humain, face à l’originaire, à l’origine même du Sujet, à l’archaïque à l’état brut, au réel ainsi appelé par Jacques Lacan.
Le Sujet Autiste a du mal à se construire, bloqué dans son développement psycho-affectif, il lutte contre les angoisses les plus primitives et les plus violentes, les fondations de son édifice sont dénudées et apparentes, il est obligé de se parer de tout un système défensif infiniment coûteux pour lui et pour ses proches pour ne pas sombrer dans l’effondrement.
Le Sujet atteint d’Alzheimer, lui, se déconstruit progressivement, avançant vers une décomposition inexorable, les murs et les cloisons de soutien qui le portaient s’effritent, il est terrifié par la crainte de se dissoudre et de disparaitre.
La personne autiste de manière différente selon l’intensité de la part autistique qui sévit en elle et la personne souffrant d’Alzheimer, à une vitesse d’évolution différente d’une fois à l’autre, luttent toutes deux contre “la crainte de l’effondrement” si bien décrite par Donald Winnicott dans son ouvrage ainsi titré.
C’est donc une clinique de l’archaïque dont il est ici question, une clinique transdisciplinaire car pour être à la hauteur de l’enjeu humain que nous impose ces deux “populations”, il faut que nous fassions preuve de beaucoup d’humilité et d’inventivité pour travailler tous ensemble en évitant d’ériger une seule de nos disciplines comme salvatrice, en la prônant comme prise en charge unique pour tous les cas.
Les enjeux de la clinique de l’autisme et de l’Alzheimer sont éthiques, politiques et économiques. Ils demandent pour l’un de sortir de la guerre de l’autisme qui aveugle depuis plusieurs décennies les pouvoirs publics pour construire un quatrième plan Autisme digne de ce nom, laissant la place à la fois à l’éducatif, au rééducatif, au comportemental et aux psychothérapies dont la psychanalyse, un plan adapté aux différentes formes d’expressions cliniques de l’autisme et des troubles envahissants du développement non spécifiés, je vous renvoie ici à la rencontre avec Marie-Dominique Amy et Bernard Golse (page 14).
Pour l’autre, les enjeux de la clinique sont tout aussi cruciaux, car une espérance de vie inédite à ce jour nous met face à la présence de maladies chroniques dont la maladie d’Alzheimer et les maladies dites “apparentées”, et on oublie trop souvent que ce n’est pas seulement une maladie qui est à traiter mais une personne atteinte existentiellement dans son identité. Là encore pour compléter le traitement médicamenteux et les approches dites “non médicamenteuses”, il me semble qu’un accompagnement psychologique et psychanalytique peut permettre d’aider à maintenir un sentiment continu d’exister mis à mal.
Les personnes souffrant d’Autisme et d’Alzheimer entretiennent un rapport spécifique à “l’environnement non humain” et l’ouvrage du psychiatre-psychanalyste Harold Searles ainsi titré nous ouvre de larges pistes de travail que nous développerons lors de ces deux journées..
Alors je remercie les intervenants de ce colloque d’avoir accepté de croiser leurs regards experts pour mettre au travail les nombreux questionnements qui jailliront de nos échanges.
Si nous voulons voir émerger un quatrième plan autisme 2017 et un quatrième plan Alzheimer qui respecte et protège patients et familles, il faut que nous soyons entendus par les pouvoirs publics pour qu’ils allouent des budgets pour former toutes les personnes encadrant les patients souffrant de ces deux pathologies dans les différents établissements publics ou privés qu’ils fréquenteront durant l’évolution de leur pathologie.
La formation des soignants et de tous les professionnels du sanitaire et du médico-social est essentielle pour accueillir ces pathologies extrêmes nous obligeant à sortir de nos zones de confort et à nous remettre en question humainement.
J’ajouterai enfin qu’elles nous font apercevoir en macroscopie les mécanismes de l’humain et éclairent notre clinique toute entière.
C’est à ce Pari du Sujet que je vous invite pour avancer ensemble dans nos cliniques respectives.
Je vous souhaite un bon colloque. »
Catherine Bergeret-Amselek