À partir d’une recherche originale, une infirmière et un architecte proposent de revisiter l’architecture des lieux de soins psychiatriques (dont la chambre de soins intensifs…), et de considérer que cette architecture repensée peut contribuer à la performance du soin psychique...
« Mais comment repenser l’espace ? En observant et en comprenant ce que vivent les patients dans la manifestation de leurs symptômes, dans ce qu’ils essaient de nous en faire partager par leurs récits, et en interrogeant notre propre corps, nos propres vécus psychiques. On l’a vu, dès lors que nous nous positionnons de façon contenante, les ressentis de l’autre nous pénètrent, et nous les traitons pour les lui rendre acceptables. Nous avons donc en nous, tout un corpus de signifiants, de symboles, mais aussi d’émotions, propres à entrer en communication avec ceux de l’autre. Et c’est le champ à explorer. Par ailleurs, un même individu n’a pas les mêmes besoins spatiaux d’un état psy-chique à l’autre : selon mon humeur, je vais rechercher des espaces vastes, cosy, ou plus utérins. Selon mon désir de sociabilité aussi. Alors, que dire des états de grande souffrance psychique occasionnés par les maladies mentales… Peut-on offrir les mêmes espaces, les mêmes matériaux, couleurs, matières, au corps, à la vue, au toucher, des patients dans des états aussi différents que ceux du dépressif, du schizophrène, de l’alcoolique, du patient en phase maniaque, du borderline ou du sociopathe en décompensation agres-sive ? Une seule architecture répond-elle à tous ces besoins de contenance ? Est-elle capable d’absorber, sans dommage pour le malade, tous ces débordements anxieux ou violents, et lui en restituer quelque chose qui l’apaise ? Si cela peut être le cas, n’est-ce pas en transitant jus-tement par ce que le soignant, le patient et l’architecte ont en commun de sym-bolisation, d’émotions, de refoulement et de sensitivité ? Autrement dit, n’est-ce pas en offrant par un travail de recherche approfondi et sensible, avec le patient lorsqu’il est assez bien pour nous y aider, un peu comme une directive anticipée, la possibilité de mettre à sa disposition notre « appareil à penser » ? N’y aurait-il pas là, entre architecture et soins psychiques, entre architecture et fonction contenante, l’occasion de mettre enfin nos inconscients en communication ?... »
►Source : Santé mentale - Septembre 2021