Inauguration du CMPP Denise Weill

nicolas_weill.png

Un discours émouvant du fils de la fondatrice du Cerep

Bonjour à tous,

Je ne souhaite pas prendre la parole longtemps. Mais comme m'y a invité si gentiment Nicolas Rambourg, je voudrais, au nom de mon frère Fabrice ici présent et au nom de mes deux sœurs, Barbara et Caroline qui ont tous comme moi fréquenté intimement le Cerep comme vous pouvez bien l'imaginer, je souhaite dire à quel point nous sommes fiers, heureux et émus de savoir que le nom de maman sera perpétué de façon vivante en étant attaché à celui du CMPP.

On dit, à propos d'un défunt, dans la tradition juive à laquelle notre mère était attachée à sa manière, « que son âme soit liée dans le lien de la vie ». Or, que ce nom soit indéfectiblement lié à celui d'une activité et d'un métier auquel elle tenait tant, auquel elle donnait tant en est grâce à vous une splendide confirmation. Je ne puis aussi que mentionner ici le nom de Raymond Cahn, qui vient de disparaître qui la rejoignit et l'accompagna dans cette aventure que fut, au début des années 1960 la création du Cerep.

Mais je voudrais juste un peu creuser en amont les causes profondes familiales et historiques qui ont poussé maman à s'y engager. Je crois que l'expérience de la guerre y a joué un rôle fondamental et qu'il est important de le mentionner. Pendant l'occupation en effet, ma mère, malgré sa jeunesse avait appartenu au service social des jeunes chargé d'aider les familles et les orphelins juifs en pleine période de déportation massive et après la guerre. C'est ainsi qu'en 1942, elle tournait autour du Vel' d'Hiv pour essayer d'en faire sortir quelques internés.

J'ai le sentiment que cela et le fait d'avoir dû porter l'étoile jaune, et donc de faire elle-même l'expérience de l'exclusion, a déterminé son envie de s'investir dans le « social». Oui, maman avait le « sens social » - tout injustement démodé que puisse paraître l'expression. Ses convictions socialistes ont sans doute aussi pesé de tout leur poids.

Le Cerep est d'ailleurs pour nous comme une « affaire de famille» puisque l'association dite « le jeune atelier », ancêtre du Cerep, a eu ses premiers locaux dans l'appartement que nous habitions alors, 6 bis rue Bachaumont et que sa création se confond pour nous avec nos souvenirs d'enfance. Je ne comprenais pas bien, alors moi-même un enfant, pourquoi les pièces de ce logement haussmanien non loin du ventre de Paris, alors encore en activité au centre de la capitale, était la journée régulièrement investi par d'autres enfants aux comportements parfois insolites.

Le déménagement rue du Faubourg Poissonnière qui eut lieu rapidement n'a pas distendu nos liens avec le Cerep, que j'ai fréquenté comme patient ou comme un petit qui allait attendre sa mère le jeudi au bureau. Plus tard, le Cerep a pris de l'ampleur et désormais les visages qui y travaillent sont devenus inconnus, ayant supplanté ceux qui donnaient parfois l'impression d'appartenir à la famille... Quelques noms me reviennent, celui du docteur Becker, de madame Weiss, de Françoise Parineau et de tant d'autres qui ont croisé la route professionnelle de ma mère et la nôtre.

Bien qu'elle soit devenue psychanalyste, ma mère n'a jamais quitté de l'œil le Cerep et ses problèmes, demeurant jusqu'à un âge avancé et malgré sa maladie une administratrice et surtout une consultante avisée, veillant à l'avenir de l'institution comme à la prunelle de ses yeux - et dont la création lui a assuré l'ordre national du mérite. Elle qui n'avait nullement le goût des honneurs et des décorations, l'a accepté et c'est une preuve supplémentaire de l'attachement durable qu'elle a nourri pour le Cerep. Elle avait en même temps le sens de la transmission et du passage du témoin, et sut organiser la relève, comme la cérémonie d'aujourd'hui en témoigne. Elle aurait été si heureuse et fière d'y participer.

Alors encore une fois merci de nous y avoir conviés et d'avoir inscrit ainsi son nom dans la ville comme dans la vie.

Nicolas Weill, janvier 2020

 

  • Denise Weill, fondatrice du Cerep : présentation extraite de la plaquette associative Cerep-Phymentin