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Psychologue clinicien, psychanalyste, membre de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines et voyageur infatigable de l’Internet, Yann Leroux explore aujourd’hui pour nous l’univers des Moocs en pratiquant une anatomie des différents types existant mais en évoquant aussi les problèmes susceptibles d’y être rencontrés.
Il nous dévoile en outre quelques bonnes pratiques à destination des organismes de formation intéressés par le sujet et nous offre un lexique et des exemples de Moocs et de plateformes. Découverte...
L’Internet apporte de nouvelles opportunités et de nouveaux défis pour la diffusion et la transmission des apprentissages. De nombreuses connaissances sont accessibles librement sur le réseau ce qui oblige les formateurs à repenser le contenu de leurs formations et la manière dont il est apporté aux apprenants. Pour les institutions, le réseau permet de nouvelles possibilités de partage de connaissances, apporte de nouvelles sources de revenus, et donne la possibilité de développer sa notoriété1. Parmi les défis, le réseau peut rendre difficile l’évaluation des apprenants et peut susciter des résistances de la part des formateurs.
Pour les pédagogues, la technologie a toujours été un mélange de défis et d’opportunités. Daniel John2, en 2012, rappelle que l’inventeur du tableau noir (1841) a été salué comme un héros de l'humanité, que le cinéma a été considéré comme révolutionnaire pour l’instruction, que la télévision a apporté des espoirs éducatifs et que l’ordinateur a été présenté comme une révolution dans les années 1970, et que depuis les années 2000, l’Internet devait révolutionner tous les domaines de l’activité humaine. De fait, si révolution il y a, elle se fait à un rythme encore compatible avec les digestions lentes auxquelles les pédagogues sont habitués.
Dans les années 2012, de nouveaux dispositifs sont apparus pour diffuser et transmettre les apprentissages. Les MOOCs sont des cours libres de droits donnés gratuitement à un grand nombre d’apprenants en utilisant le réseau Internet.
Les MOOCs commencent avec un cours donné à l’université de Manitoba en 2008 sur le connectivisme. Prévu initialement pour 25 étudiants, le cours rassemble finalement 2 200 personnes. A l’automne 2001, Sebastian Thrun et Peter Norvig présentent un cours en ligne intitulé « Introduction à l’intelligence artificielle » qui rassemble 160 000 étudiants de 190 pays. Thrun crée la plateforme de cours en ligne Udacity. Son succès amène deux enseignants de Stanford, Andrew NG et Daphe Koller, à créer une autre plateforme appelée Coursera. En 2013, les MOOCs se répandent dans le monde entier. Les universités anglaises, australiennes, allemandes et chinoises ouvrent des plateformes de cours en ligne. La France suit en 2014 avec la plateforme FUN.
Les MOOCs sont basés sur une approche transformatrice ou connectiviste. Dans le premier cas, les apprenants reçoivent l’enseignement et les interactions sont limitées à des discussions à propos des cours. Le professeur est un expert qui apporte ses connaissances et les droits du cours sont détenus par le MOOC. Dans le second cas, les apprenants sont plus actifs. Ils construisent le contenu du cours par leurs questions et par les problèmes qu’ils apportent. L’enseignant est un guide avec une certaine expérience et le contenu des cours est sous Licence Libre3.
Parmi les avantages, les MOOCs permettent de transmettre à un grand nombre d’apprenants des connaissances. Seuls les MOOCs permettent de rassembler dans un même espace temps autant de personnes autour d’un apprentissage. La liberté des droits s’inscrit dans une des traditions de l’Internet : le code doit être libre. De la même façon, le cours, colonne vertébrale de l’apprentissage, doit pouvoir être partagé librement. Les MOOCs sont extensifs et évolutifs. Ils sont adaptés à un grand nombre de personnes et à des enseignements très différents. Enfin, les dispositifs en ligne permettent de construire des communautés autour des apprentissages et des outils d’autoévaluation des connaissances4.
Les MOOCs sont généralement organisés autour des éléments suivants :
1) des vidéos 2) un forum et 3) des ressources
Les vidéos sont généralement de courte durée. Une vingtaine de minutes est le format le plus adapté. Un format encore plus court peut être utilisé. Chaque vidéo traite une seule notion. Les vidéos sont sous-titrées dans différentes langues pour faciliter l’accès aux cours aux personnes étrangères. Le cours peut aussi être téléchargé en version texte pour ceux qui préfèrent la lecture comme mode d’appropriation des connaissances.
Le forum de discussion permet aux apprenants et aux professeurs de discuter des points du cours. Le forum permet aux étudiants de classer les discussions par date ou par sujet ou encore d’effectuer des recherches par mots clés. Une certaine liberté doit être laissée aux étudiants sur le forum. Il est par exemple bienvenu qu’ils puissent former des sous-forums pour constituer des communautés d'intérêt.
Les ressources consistent en des liens vers des livres, des sites ou des documents. Une préférence est donnée aux documents librement accessibles en ligne. Un Wiki peut être mis à la disposition des apprenants pour mettre en ordre des ressources supplémentaires.
L’évaluation des apprenants est la partie la plus complexe surtout lorsqu’elle ouvre à des crédits universitaires. Les MOOCs utilisent des QCM et des devoirs à rendre à une date donnée. Les QCM facilitent l’évaluation car le traitement des réponses est automatisé. Mais ils rendent difficile le contrôle de la tricherie. Les devoirs peuvent être contrôlés à l’aide de programmes antitricherie mais rien ne prouve qu’il n’a pas été rédigé par un tiers. Certains MOOCs utilisent un système de peer review5.
Les mondes numériques sont parfaitement adaptés à la pédagogie. Les dispositifs en ligne favorisent les échanges entre les apprenants. Le constructivisme, le connectivisme, l’apprentissage basés sur la résolution de problèmes peuvent y être facilement déployés6.
Pour le constructivisme, les apprentissages nécessitent une activité de l'apprenant. La connaissance n’est pas reçue passivement : elle est construite. Les nouvelles informations doivent être discutées pour prendre sens. Les nouveaux apprentissages sont ajoutés aux apprentissages plus anciens grâce aux échanges effectués avec les autres apprenants et avec les enseignants.
Dans le cadre de la théorie connectiviste, l’apprentissage se fait en mêlant différentes sources provenant de différents réseaux. La discussion et la construction de liens sont essentielles pour la construction des apprentissages.
Les MOOCs peuvent aussi proposer des apprentissages basés sur la résolution de problèmes. Dans ce cas, la solution nécessite que les apprenants explicitent les phénomènes sous-jacents au problème et construisent les outils nécessaires à sa résolution. Enfin, dans le sillage des dispositifs d’apprentissage à distance, la classe inversée est une autre manière de diffuser des connaissances. Dans ce cas, les documents sont transmis avant la classe. Le temps-classe n’est pas celui de la réception des connaissances mais de leur discussion en profondeur.
Le mot MOOC est devenu un portemanteau pour différents dispositifs. Clark, en 2013, distingue ainsi pas moins de 8 types de MOOCs. Certains sont de simples transpositions de cours existant déjà sur une plateforme numérique. Les MOOCs peuvent se différencier par le moment où le cours commence. Les MOOCs synchrones sont ouverts et fermés à des dates précises tandis que les MOOcs asynchrones sont toujours ouverts. Ils n’ont pas de date d’ouverture ni de date d’examen final. Les MOOCs groupaux sont organisés autour de petits groupes. Les MOOCs connectivistes s’appuient sur la participation des apprenants. Les mini MOOCs durent quelques heures à quelques jours et sont utiles pour les domaines où il est possible de déterminer des tâches et des objectifs d’apprentissage clairs. L’intérêt de l’article de Clark n’est pas dans la taxinomie. Il montre qu’il y a encore de la place pour inventer des dispositifs en mixant ou en réutilisant des choses déjà existantes.
L’utilisation des dispositifs d’enseignement en ligne n’est pas sans poser quelques problèmes. Certains tiennent à la technologie utilisée, et d’autres semblent plus sensibles aux dispositifs.
Le premier problème est celui de l’accès à l’Internet. L’utilisation d’un dispositif d’enseignement en ligne nécessite de la part de l'apprenant un bon accès au réseau. Les dispositifs d’enseignement en ligne rencontrent le problème de la fracture numérique puisqu’ils risquent d’apporter des connaissances à ceux qui ont le niveau socio-économique qui leur permet d’avoir accès à Internet et de laisser de côté tous les autres.
Il est également nécessaire d’avoir le niveau de compétence technologique et de litteratie suffisants7. Il est important que les apprenants soient à l’aise avec la technologie numérique pour ne pas être gênés dans leurs apprentissages. Il leur faut aussi les savoir-faire et les savoir-être sociaux qui permettent de circuler facilement sur le réseau.
Certaines difficultés tiennent aux dispositfs utilisés. Par exemple, de nombreux apprenants abandonnent les MOOCs avant la fin de la formation. Le taux d’abandon est important puisqu’il a été estimé que moins de 10 % des apprenants terminent leurs MOOCs. Les causes de l’abandon sont multiples : certains abandonnent parce que le cours est trop difficile, d’autres parce qu’ils suivent trop de MOOCs à la fois. Enfin, certaines personnes n'arrivent pas à s’organiser suffisamment et finissent par abandonner leur formation. Des facteurs sociaux sont à prendre en compte dans ce phénomène d’attrition8.
Les MOOCs ont été critiqués pour avoir servi de caution à des coupes franches dans le budget des universités. Certains y ont vu le rêve d’une école néolibérate dans laquelle les frais d’entretien et le nombre de postes d’enseignants sont réduits au maximum. Ils ont également été décrits comme de gigantesques machines parfaitement marketées. Selon Clow, en 2013, les utilisateurs des MOOCs parcourent les quatre étapes prévues en marketing : la prise de conscience, l'intérêt, le désir et l’achat. L’attrition notée dans les MOOCs serait alors pour une part due au modèle économique utilisé qui était jusque là étranger au monde de l’éducation.
Habituellement, un formateur ne part pas avec l’idée qu’il se retrouvera à la fin de la formation avec 10 % de ses effectifs mais fait tout pour que la plus grande partie du groupe de départ reçoive une formation suffisante9.
- Familiariser les formateurs avec les dispositifs numériques. Il est nécessaire que les formateurs aient une littératie numérique suffisante. Ces compétences peuvent être acquises en pratiquant les dispositifs numériques. L’ouverture d’un forum/mailing list pourrait servir de point de départ.
- Favoriser le volontariat. Les formateurs choisissent librement d’entrer ou de sortir du dispositif numérique.
- Choisir une plateforme. Il est possible d'utiliser des plateformes déjà existantes qui sont des solutions clé en main ou d’utiliser différents dispositifs qui répondent à différents besoins.
- Choisir la licence sous laquelle les cours seront distribués. La tradition est que les cours soient libres de droits.
À consulter :
Educscol : Internet responsable
Liste des licences libres
- Organiser le contenu pédagogique pour le numérique. Les dispositifs en ligne peuvent être utilisés en amont, en aval et en immersion. Lorsqu’ils sont utilisés en amont de la formation, ils la préparent en rassemblant les personnes en un groupe et en leur apportant du matériel pédagogique. En aval, le dispositif numérique permet à la personne d’ajuster les connaissances acquises en formation à sa situation professionnelle. Les dispositifs en immersion sont indiqués pour les personnes qui ne peuvent accéder à une formation sur site du fait de leur éloignement.
LEXIQUE
Communication asynchrone
Mode de communication où les personnes n’ont pas besoin d’être connectées en même temps. Le mail est un dispositif qui utilise un mode de communication asynchrone.
Communication synchrone
Mode de communication où les personnes doivent être connectées en même temps. Skype est un dispositif de communication synchrone.
cMOOC
Le cMOOC est un modèle basé sur l'apprenant. La théorie de référence est le connectivisme. Les apprenants élaborent la trame du cours, choisissent les sources et construisent leurs connaissances sur un forum. Il n'y a pas de professeur à proprement parler mais certains membres du forum jouent le rôle d’organisateurs et d’aiguilleurs.
elearning
Selon l'Union européenne, le elearning est « l'utilisation des nouvelles technologies multimédias de l'Internet pour améliorer la qualité de l'apprentissage en facilitant d'une part l'accès à des ressources et à des services, d'autre part les échanges et la collaboration à distance ». Les MOOCs sont donc une forme d'elearning parmi d'autres.
CLOM ou CLOT
Cours en Ligne Ouvert et Massif ou Cours en Ligne Ouvert à Tous est la traduction française proposée pour MOOC. Ce dernier terme reste cependant le plus utilisé. En France, le premier MOOC/CLOM/CLOT a été ITyPA (Internet, Tout y est Pour Apprendre), lancé le 4 octobre 2012.
CLAL
Cours en Ligne à Accès Libre a été proposé par Jean Talbot, directeur de l'apprentissage et de l'innovation pédagogique à HEC Montréal comme traduction donnée à MOOC.
MOOC Massively Open Online Course
Cours massif ouvert à tous et gratuit, le sigle a été inventé par le Canadien Dave Corminer, responsable Communication et Innovation sur le Web à l’université de l’Île du Prince Edouard. On le trouve également dans le cours CCK08 de Geoges Siemens, de l’université Athabasca (Canada).
Plateforme
Chaque MOOC est hébergé par une plateforme de partage. Les premières plateformes ont été développées aux USA. Udacity, lancée en 2013, est la première du genre. Elle a été suivie par Coursera et edX. OpenUpEd est soutenu par la Commission européenne. En France, la plateforme FUN (France Université Numérique) lancée le 28 octobre 2013, rassemble des universités prestigieuses.
Wiki
Un wiki est un dispositif qui permet aux utilisateurs de créer et de modifier des pages. Wikipedia est un wiki.
xMOOC
Les xMOOC sont des cours en ligne donnés à un grand nombre d’apprenants. Le groupe différencie nettement le professeur qui apporte les connaissances des apprenants qui les reçoivent. Les connaissances sont dispensées par de courtes vidéos. Elles sont évaluées par des travaux à rendre à des dates prévues sous la forme de quizz, d’examens de mi-semestre et finaux.
QUELQUES EXEMPLES DE MOOCs
Il existe de nombreux exemples de MOOCs qui concernent la psychologie ou le travail social.
Psychopathologie & Psychologie clinique
LES PLATEFORMES
FUN (France Université Numérique)
Coursera
NovoEd
Khan Academy
CogBooks
1 Kormelink, Ir JBJ Joost Groot. "How to cook a MOOC. Experiences with a MOOC based on network learning around case studies."
2 Daniel, John. "Making sense of MOOCs : Musings in a maze of myth, paradox and possibility." Journal of interactive Media in education 2012.3 (2012) : Art. 18.
3 de Waard, Inge. "MOOC factors influencing teachers in formal education." Revista Mexicana de Bachillerato a distancia 7.13 (2015).
4 Yao, Zhe. "MOOC : Challenges and Opportunities of Higher Education." Applied Mechanics and Materials 19 Nov. 2014: 24692474.
5 Kormelink, Ir JBJ Joost Groot. "How to cook a MOOC. Experiences with a MOOC based on network learning around case studies."
6 de Waard, Inge. "MOOC factors influencing teachers in formal education." Revista Mexicana de Bachillerato a distancia 7.13 (2015).
7 de Waard, Inge. "MOOC factors influencing teachers in formal education." Revista Mexicana de Bachillerato a distancia 7.13 (2015).
8 Rosé, Carolyn Penstein et al. "Social factors that contribute to attrition in moocs." Proceedings of the first ACM conference on Learning@ scale conference 4 Mar. 2014: 197198.