Grapholine

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Jean-Michel Couturier, vous êtes diplômé d'une école d'ingénieurs option Électronique et informatique et avez par ailleurs présenté, en 2004, une thèse en « Acoustique, traitement du signal et informatique appliqués à la musique ». Nous nous retrouvons aujourd'hui pour échanger autour de Grapholine, un instrument de musique numérique, créé par la société Blue Yeti dont vous êtes aussi le cofondateur.

Grapholine, que désigne ce terme, mystérieux de prime abord ?

Grapholine est un instrument de musique numérique permettant de générer du son à partir d'un geste de dessin.

En êtes-vous l’inventeur ?

Magnolya Roy et moi-même avons créé Grapholine en 2006. Nous avons bénéficié du prix Envie d'Agir (régional en 2006 puis national en 2007) autour de Grapholine et de la création de notre structure Blue Yeti en 2007, qui est maintenant composée de 6 personnes. Blue Yeti conçoit et développe des dispositifs interactifs visuels et sonores dédiés à des usages culturels, éducatifs et artistiques.

Comment cette idée est-elle née ?

Grapholine est née de l'envie de savoir si un geste de dessin pouvait être expressif au niveau sonore. Un musicien effectue des gestes sur son instrument pour jouer de la musique, et il faut beaucoup de pratique pour avoir des gestes suffisamment experts et avoir une certaine virtuosité. Or, il se trouve que la plupart d'entre nous pratiquons les gestes de dessin et d'écriture depuis le plus jeune âge, et avons généralement une bonne maîtrise des gestes effectués avec un crayon (il suffit de le changer de main pour constater que ce n'est pas si simple de dessiner).
Mais les gestes de dessin et les gestes musicaux n'ont pas la même finalité : qu'est-ce qu'il se passe si le même geste produit un dessin et du son ?

Pour transformer en sons les gestes de dessin, nous nous sommes basés sur les travaux de recherche sur le geste musical de l'équipe AFIM du Laboratoire de Mécanique et d'Acoustique de Marseille, travaux auxquels j'ai eu la chance de participer pendant ma thèse dans ce laboratoire, sous la direction de Daniel Arfib de 2001 à 2004. Pour Grapholine, nous avons créé un programme qui analyse le geste de dessin en temps réel et le décompose en éléments pouvant avoir du sens pour contrôler du son (vitesse, courbure, pression, angle, détection de points, hachures,…). Nous avons utilisé ces paramètres pour modifier le son.

Coté sonore, Grapholine est un peu particulier dans le sens où l'on ne contrôle pas la production de notes comme sur la plupart des instruments acoustiques, mais où l'on va plutôt générer et modifier du son dans une approche électroacoustique. L'instrument utilise une synthèse granulaire, pour laquelle les grains (sons très courts) peuvent être de différentes natures (son naturel, son instrumental, voix, son synthétique,…). Le geste de dessin va contrôler la façon dont ces grains sont lus (densité des grains, intensité, vitesse de lecture,…). Si l'on fait un parallèle avec la peinture, on peut voir ces grains de son comme des pigments (ou des petites taches) de peinture : il peut y en avoir de différentes couleurs, de différentes formes, des zones avec beaucoup ou peu de pigments,…
Coté visuel, une palette permet de choisir les couleurs/textures, le type de trait, et d'autres paramètres de dessin ; le crayon est sensible à la pression.

A qui est destiné cet instrument ?

Cet instrument a été créé à l'origine pour la création musicale et la performance live, mais très rapidement nous avons été sollicités pour une utilisation auprès d'autres publics, comme les jeunes et les personnes porteuses de handicap. Nous avons pu mener des ateliers auprès de ces publics et nous avons pu constater que l'outil pouvait avoir une vraie utilité.

Nécessite-t-il une formation particulière ?

Une formation (une journée) est nécessaire pour les personnes qui souhaitent mener une activité avec un groupe, mais aucune formation n'est nécessaire pour l'utiliser (une simple explication suffit).

Que peut apporter Grapholine à des enfants porteurs d’un handicap mental ? 

Nous avons pu participer à quelques ateliers avec des enfants porteurs d'un handicap mental léger et des jeunes souffrant d'un autisme profond, grâce à Patrick Treguer de l'Espace Mendès-France de Poitiers.
Au-delà de l'aspect ludique de la découverte de Grapholine, nous avons remarqué que la présence d'un retour sonore apportait une véritable aide à la réalisation du geste. Le son, en décuplant le geste exprimé, est moteur d'expressivité et peut indirectement aider à améliorer la motricité.
Grapholine est également et avant tout un outil de création qui permet à chaque participant d’exprimer sa créativité, chacun à son rythme, et in fine, un outil vecteur d'émotions.
En dehors du domaine du handicap, nous menons actuellement un projet avec l'école maternelle de la Clairière de Royan (Charente-Maritime) sur l'utilisation de Grapholine pour aider à l'apprentissage du dessin et de l’écriture. Après avoir observé les enfants lors d'ateliers à l'école, les enseignants ont pu constater que certains enfants avaient plus de facilité à dessiner ou écrire leur prénom avec le son.

Et enfin, quel est le coût de la mallette mobile Grapholine ?

La version actuelle est composée d'un écran-tablette sur lequel on peut dessiner avec un stylet, d'une tablette tactile qui sert de palette de couleurs/textures et qui permet de modifier certains paramètres de  dessin, d'un ordinateur et de 2 haut-parleurs, le tout dans une malle de transport, ainsi que le logiciel Grapholine. Son coût est actuellement de 5 400 Euros HT, mais il peut varier en fonction des composants choisis. Par exemple il est possible d'utiliser un tableau blanc interactif à la place de l'écran-tablette.
Nous travaillons actuellement à un portage sur tablette (iOS et Android) afin de permettre à Grapholine d'être plus accessible, mais c'est un travail de longue haleine car il faut complètement réécrire le programme !

 

Bibliographie

Sitographie