TEMPO février 2021

Quel manager ne sait pas que ce qui est le plus délétère dans une équipe, le plus terrible pour des salariés, c’est l’injustice !

Il aura malheureusement fallu attendre que la COVID arrive avec ses morts et ses souffrances pour que soient mis en lumière le désespoir des soignants, le manque de moyens, la précarité des services de soin et la lourdeur des protocoles (réglementaires, administratifs, qualité). Des années, voire des décennies que les syndicats salariés et employeurs, que les populations et les élus alertent sur tous ces sujets, que le Ministère et les ARS sont prévenus que les soignants manifestent, bref… Nous vivons dans une démocratie d’opinions et d’émotions. Nous réagissons avec ce que nous laissent à voir et entendre les médias et les réseaux sociaux. Et tant qu’il n’y a pas de drame ou de cataclysme, personne ne veut voir ni entendre. « PLUS JAMAIS ! » est la formule consacrée, certes mais « TOUJOURS ENCORE ! » tant que nous serons dans ces politiques et ces logiques sans profondeur, sans relief et sans couleur qui ne prennent pas en compte le vecteur humain, la relation humanisante et opérationnelle du soin auprès des patients et des familles.
 
En soi, la performance publique n’est pas une mauvaise chose, la qualité devant l’usager, l’efficacité devant les citoyens et l’efficience devant le contribuable, pourquoi pas, cependant où est passée la dimension humaine ?
Dans les faits, des postes non pourvus d’orthophonistes, de médecins, d’infirmiers, d’éducateurs spécialisés, d’assistants sociaux…
Des salaires non réévalués depuis des années, avec des effets sur les vocations, les carrières…
De plus en plus de protocoles à respecter, de certifications qui viennent obstruer les plateaux techniques au détriment de la clinique.
Des agences Régionales de Santé qui préconisent quasi le soin à la place des médecins et des équipes soignantes par notes, protocoles et arrêtés administratifs…
Des équipes avec toujours moins de moyens, qui doivent remplir des formulaires pour avoir du matériel,… et qui accueillent de plus en plus de patients.
 
Dans ce contexte de crise, dans le cadre du Ségur de la santé, l’État a considéré qu’il était important de réévaluer le salaire des soignants et a débloqué près de 8 milliards d’euros par an. Chaque professionnel de l’hôpital et des EHPAD travaillant à temps plein se verra ainsi attribué la somme supplémentaire de 237 euros brut, qu’il soit infirmier, aide-soignant, secrétaire, cuisinier, éducateur spécialisé, psychologue, orthophoniste… Très bonne nouvelle ! Attendue depuis 20 ans tout de même !
Cependant, cette mesure n’est valable qu’à l’hôpital car si je suis éducateur spécialisé, infirmier, ou psychologue, secrétaire dans un service médico-social ou social, je n’ai pas le droit à cette revalorisation salariale.
 
À travail égal, salaire égal ? NON – Le Ministère n’a pas considéré l’ensemble des professionnels qui accompagnent toute l’année des enfants, des adolescents et des adultes dans les IME, les SESSAD, les foyers, les Centres de rééducation, les Services de soin de suite, les placements familiaux… Pourtant, ils participent et prennent part au soin, travaillent parfois dans les mêmes institutions voire dans les mêmes services que leurs collègues, mais ils ne relèvent pas des mêmes conventions, du même statut, l’un étant public, l’autre privé, l’un du code de la santé, l’autre du code de l’action sociale et familiale.
Enfin, nous ne pouvons que rester atterrés que la mesure de revalorisation ne s’étende pas à l’ensemble des institutions publiques et privées qui ont été pensées et créées au nom du système de protection sociale en France.
 
EN CONCLUSION
Quelle vision étriquée du soin, minimaliste et déshumanisante !
Quelle réponse de considération l’État fait-il aux professionnels ! Un salaire revalorisé et encore pas pour tous.
Quel manager ne sait pas que ce qui est le plus délétère dans une équipe, le plus terrible pour des salariés, c’est l’injustice !
Il est temps que les écoles, universités et autres agences arrêtent de produire des gestionnaires et des généralistes qui ne savent traiter que des chiffres, des masses critiques, des tableaux de bord, (avec parfois un moment d’émotion mal pensé).
Redonnons de la place aux professionnels de terrain, aux soignants, à la réflexion et la pensée partagée.

Grégory Magneron, directeur général de l'association

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