Journée associative : Georges Meliz et Stéphanie Gicquiaux

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Journée associative : intervention de Georges Meliz et Stéphanie Gicquiaux - La transmission de la pratique clinique dans le binôme éducateur-psychologue, telle qu’elle se pratique à l’HJM

1. Les fondateurs de notre hôpital de jour pour adolescents ont élaboré et mis en pratique une approche qui met en synergie les éducateurs et les psychologues dits « responsables de groupe » ou « référents ». Leurs formations initiales différentes permettent à créer une complémentarité intéressante et opérante pour le suivi de jeunes en grande difficulté psychologique. Ainsi les trente-trois adolescents pris en charge à temps plein sont confiés à trois binômes de référents éducateurs- psychologues. Il y a également deux référents pour les temps partiels.

Chaque jeune est donc accompagné par deux responsables, éducateurs et psychologue femmes et hommes. La double différenciation formation - genre permet de constituer des « couples thérapeutiques » fournissant au jeune et à ses parents un support d'identification qui contribue à repérer et traiter les processus de répétition pathogène à l'œuvre dans l'histoire personnelle et familiale de chaque adolescent. Il est à noter que cette organisation de principe concernant la mixité de genre a récemment évalué, probablement en lien avec l’évolution de la société. Le dernière embauche a créé un couple féminin psychologue-éducatrice.

En ce qui concerne notre « couple thérapeutique » Stéphanie Gicquiaux et moi, il a débuté en mai 2016. Auparavant Stéphanie était éducatrice pendant 15 ans dans un IME en internat pour les adolescents souffrants de troubles envahissants du développement.

De mon côté je travaillais à Montsouris en qualité de psychologue depuis 2002 en binôme puis en trinôme avec une psychologue et un éducateur.

Lors de sa formation initiale d’éducatrice spécialisée, Stéphanie Gicquiaux a été préparée au travail en équipe pluridisciplinaire et au travail en binôme avec un professionnel plutôt du secteur social. Ainsi exercer en binôme avec un psychologue était pour elle une expérience inédite. J’ai donc accueilli Stéphanie et l’ai accompagnée dans la transmission de cette approche spécifique pratiquée à Montsouris.

Mon objectif était de transmettre à Stéphanie notre manière d’intervenir auprès des adolescents et leurs familles et autour la compréhension des principes même de la thérapie institutionnelle. Notre travail en commun consistait également à échanger sur les fondements de nos formations réciproques et à transmettre, de mon côté, certains éléments théoriques psychopathologiques de compréhension de la clinique d’ados souffrants de troubles psychiatriques plutôt sévères.

De son côté Stéphanie Gicquiaux me transmettait son savoir-faire éducatif qui dans ses nombreux éléments était nouveau et nourrissant pour moi.

Nous avons pu aussi expérimenter à travers différentes prises en charge comment les mouvements transférentiels morcelés et toxiques projetés sur nous par les adolescents en souffrance pouvaient nous pousser soit à nous opposer soit à nous unir dans le des mouvements allant du rejet à la séduction.

2. Je vais illustrer ce propos par une vignette clinique. Alexandre est un jeune d’origine russe de 13 ans, arrivé en France 3 ans auparavant. Depuis enfance il présente des troubles autistiques avec un niveau cognitif disharmonique mais élevé. Un composant narcissique marqué l’érige dans une position assez mégalomaniaque et sarcastique, voire méprisante. Une carence éducative est manifeste. Il est élevé seul par une mère scientifique qui surinvestit l’aspect intellectuel. Les vécus de l’équipe et de notre binôme face à ce jeune sont très contrastés, allant du rejet à une certaine admiration. Tout au longue de sa prise en charge ce jeune déclenche une série de désaccord. Dans notre binôme, de faite de notre origine commune, Alexandre est souvent perçu comme ayant une place privilégiée auprès de moi. Il refuse d’investir le français, communique avec moi essentiellement en russe, mettant ainsi à l’écart Stéphanie. Elle, de son côté, perçoit et analyse finement la nature et l’ampleur des carences éducatives et suggère à plusieurs reprises une information préoccupante. Cet écart d’appréciation entrainant une certaine tension est régulièrement parlé entre nous deux et surtout discuté lors de points avec son médecin Docteur Faurie. Ces mis en lumière nous permettent d’ajuster nos positions et rééquilibrer les divergences sans glisser dans un conflit non productif ou mettre en doute nos compétences mutuelles.

Un désaccord plus aigu, impliquant une partie de l’équipe enseignante, surgit autour de la scolarité d’Alexandre. Il déclenche des clivages à différents niveaux dans l’équipe. La position maternelle et la nôtre concernant la fin du parcours scolaire d’Alexandre est contestée. Ces turbulences dans les équipes soignante et enseignante génèrent chez Stéphanie un mouvement de protection jusque-là inédite et équilibre nos positions dans le trinôme référents-médecin. Au niveau de l’équipe nous parvenons à analyser les mouvements clivage-déliaison à différents niveaux comme retentissement sur nous de la problématique archaïque chez l’adolescent. L’équipe finit par prendre une position commune et Alexandre de son côté obtient son bac avec mention. Actuellement il fait des études de design de jeux vidéo en province et dans un récent message il nous remercie « de l’avoir supporté toutes ces années ».

Cette situation reflète pour nous l’aspect bénéfique de la rencontre et de la mise en commun de nos expériences et de nos formations différentes, la mise en commun de deux approches - éducative et psychologique étant féconde et porteuse dans la prise en charge de nos adolescents.

Le 22 mars 2024