À la différence des autres lieux d'accueil en groupe (école, activités sportives, associations culturelles...), il ne s'agit pas, avant tout, de permettre un apprentissage en groupe mais un apprentissage du groupe. La population que nous accueillons ne peut, en effet, profiter du milieu ordinaire car elle ne peut répondre aux exigences de l'adaptation nécessaire à la réalisation d'une consigne énoncée dans un grand groupe.
Dans l'histoire de nos patients, les traumatismes de différentes natures se sont succédé et ont entravé le développement cognitif et/ou psychologique harmonieux pour laisser place à des blocages avec des retards de développement plus ou moins homogènes.
Le travail en équipe s'organise autour d'une équipe pluridisciplinaire avec un « cadre de soin » en plus du cadre de fonctionnement permettant une prise en charge thérapeutique individuelle dans le groupe.
Cette équipe est composée d'une équipe de direction administrative et de soin, d'une secrétaire, d'un travailleur social, d'éducateurs techniques et spécialisés, d'infirmiers, de psychologues, de psychomotriciens et d’orthophonistes.
La plupart des institutions ont un partenariat avec l'Éducation nationale pour avoir un enseignant qui travaille dans la structure avec, parfois le soutien d'un éducateur scolaire.
Pour qualifier le travail d'une équipe de soin institutionnel, il est nécessaire de définir un cadre de travail permettant la contenance et l'élaboration des angoisses liées à la mise en groupe.
La première étape est de permettre une activité en commun afin d'éviter des relations trop exclusives risquant de mener à l'explosion et l'exclusion du patient d'autant plus quand il s'agit de structures accueillant des adolescents.
Il faut pouvoir également donner un statut de médiation aux activités partagées.
Ces activités deviennent le prétexte d'une réalisation partagée afin de recueillir une observation des difficultés instrumentales et/ou psychologiques avec des tentatives d'ajustement pour voir émerger des compétences jusqu'alors inhibées.
L'émergence de ces compétences peut alors permettre que les réalisations, les productions des jeunes puissent être montrées au reste de l'équipe puis aux parents.
Les réalisations sont, en fonction des ateliers, techniques, créatives, et/ou culturelles.
Elles permettent également de travailler l'autonomie, le repérage spatio-temporel et la capacité de représentation psychique.
Les médiations sont parfois directement à visée thérapeutique lorsqu'elles ne donnent pas lieu nécessairement à une production ou un apprentissage mais sont travaillées comme support des angoisses créées par la mise en groupe.
Le travail en équipe nécessite aussi que chacun travaille de sa place en fonction de sa compétence. Cette différenciation des fonctions soignante, éducative, pédagogique permet de travailler en unités séparées (unités plus contenantes pour des interactions adaptées à chaque patient en prises en charges individuelles ou en moments collectifs en grand groupe).
Il est absolument nécessaire de se séparer afin d'éviter le risque de confusion et de désorganisation liées aux souffrances mises en commun.
Cependant, dans un deuxième temps, le travail doit s'articuler ensemble. Nous veillons à avoir des temps de réunion par unités puis tous ensemble ainsi que des moments transversaux où les croisements entre les différents professionnels autour de thèmes communs ou au sujet d'un patient permettent de garder une souplesse de fonctionnement pour recueillir une vision globale émanant de la richesse des observations de chacun.
Ainsi, se tisse le travail institutionnel qui permet à chaque soignant de réinterroger ses positions dans l'interaction avec les patients pour les aider à sortir d'une répétition délétère de l'échec et donner un étayage suffisant pour que les compétences émergentes soient travaillées.
Cela passe par le renoncement d'une idéalisation d'un parcours ordinaire.
Le travail d'acceptation de la pathologie avec dépassement du déni des troubles est également accompagné par des entretiens familiaux.
Il est, en effet, indispensable de prendre du temps avec les patients et leur famille afin de construire une alliance thérapeutique. Nous les recevons alors avec plusieurs membres de l'équipe pour avoir des interventions plurielles. Élaborer le deuil d'une scolarité, expliquer la prise en charge, partager les difficultés du patient et pouvoir soutenir des compétences malgré les difficultés avec plusieurs regards afin d'éviter des réactions trop massives et des passages à l'acte créant ruptures des liens et isolement...
Ce tissage au quotidien du travail médico-psychologique, éducatif et pédagogique autour des patients demande une attitude contenante, pare-excitante et liante afin de penser ensemble un accompagnement d'une subjectivité authentique malgré les handicaps.
Armelle Cadoret pour l'association Cerep-Phymentin, le 9 octobre 2019