À l’occasion de la préparation du 4e plan autisme devant ouvrir la porte à une prise en charge multidimensionnelle des personnes autistes, l’Institut Imagine des maladies génétiques et la CIPPA avec le soutien de l’Hôpital Necker-Enfants Malades souhaitaient se faire l’écho de la surprenante créativité des personnes autistes, de leur famille et des équipes soignantes, au-delà des polémiques théoriques habituelles. Retour sur la soirée culturelle du 29 septembre 2017, #HeroesForImagine, dans les locaux de l’Institut. Un événement conviant les parents ainsi que l’association Cerep-Phymentin, partenaire de l’événement. Bienvenue au cœur de la créativité…
Pour la CIPPA, l’objectif de cette initiative était « d’exposer des œuvres issues du travail de personnes autistes, de leur famille mais aussi de leurs soignants qui les accompagnent au quotidien. La créativité qui s’exprime à travers ces parcours artistiques ouvre la voie à l’apaisement, au partage et à l’inclusion sociale » mais permet aussi de dialoguer « sur les apports des pratiques artistiques et du développement de la créativité dans la prise en charge des personnes autistes. L’expression artistique demeure un outil formidable pour construire les représentations et communiquer. Parents et soignants partagent cet outil avec les personnes autistes ».
Je suis psychanalyste à l’EPI qui fait partie de l’association Cerep-Phymentin. Je voudrais citer Winnicott : « Une création, c’est un tableau, un jardin, une coiffure, une symphonie, une sculpture et même un plat. ». Le traumatisme de l’autisme a mis un coup d’arrêt au développement des enfants et aux transformations qui devraient en découler. Notre travail, chacun à notre place, éducateurs, enseignants, infirmiers, psychiatres, psychomotriciens, orthophonistes et psychanalystes, c’est d’aller à leur rencontre, de tenter de les rejoindre là où ils se sont arrêtés sur le chemin de la croissance psychique. Nous avons à inventer des appuis qu’ils peuvent progressivement s’approprier, en les intériorisant. Ces derniers sont d’une infinie variété en fonction de chaque enfant et de nos différentes professions. Nous avons en premier lieu à développer notre propre créativité, c’est-à-dire nos capacités d’empathie, d’attention, d’imagination. Elle est nécessaire pour les aider à transformer leurs rituels, leurs stéréotypies en activités partageables avec d’autres.
Ces comportements spécifiques des enfants autistes ont une fonction de survie psychique et de maintien d’un sentiment minimal d’existence. Il ne s’agit surtout pas de les leur interdire mais de les aider à découvrir d’autres appuis plus partageables avec les autres humains. Sortir d’un monde enfermé dans les sensations pour accéder à un monde où l’on peut ressentir ses propres émotions, en prendre conscience, est une nécessité vitale pour eux.
Leur permettre un accès aux émotions esthétiques par tout un travail de visites dans les musées, de préparation, de reprise est un travail de fond des éducateurs. Voir un groupe de jeunes patients partir de l’institution avec leur carnet à dessin sous le bras est extrêmement touchant. Du côté des psychanalystes, notre travail spécifique est de donner sens au langage corporel qui chez ces enfants, s’exprime à travers des comportements à première vue incompréhensibles et de mettre en place les conditions nécessaires à leur croissance psychique. Même si nos repères théoriques constituent un arrière-plan nécessaire, nous avons à développer notre capacité négative, capacité à vivre l’inconnu et l’incompréhension de manière créative, nécessité absolue pour accompagner ces enfants vers un sentiment plus authentique d’existence, d’identité, de sens dans un monde partagé.
Nous savons par nos collègues s’occupant d’autistes adultes que les capacités d’évolution de ces patients demeurent intactes si les moyens leur en sont donnés.
Je voudrais dire quelques mots sur la thématique générale de la créativité qui nous rassemble autour de ce projet-là.
La créativité pose de multiples questions : quant à sa source, quant à celle de son destinataire et quant à la question de ses objectifs. Contrairement à ce que l’on pense, ces questions-là ne sont pas très différentes entre les personnes autistes et les artistes non autistes, et certains auteurs ont d’ailleurs souvent souligné qu’entre autiste et artiste, il n’y avait qu’une seule lettre qui diffère.
La source de la créativité nous plonge au plus profond de soi-même, à un niveau très corporel, très sensoriel et cela vaut pour tout créateur, autiste ou non autiste.
La question du destinataire de la créativité n’est, en réalité, qu’un piège car, que l’on soit autiste ou pas, quand on crée quelque chose, je ne crois pas que l’on pense au destinataire. L’art pour plaire, est une catastrophe. L’art est d’abord une expression qui vient du tréfonds de soi-même. S’il plaît tant mieux, s’il ne plaît pas tant pis ! Un vrai créateur ne se pose pas la question du destinataire. Quand un enfant autiste crée, certes il n’a pas encore de véritable représentation de l’autre, du destinataire possible, mais au fond cela ne change rien. C’est donc un faux problème de dire que les enfants autistes ne peuvent pas faire de l’art car il n’y a pas de destinataire.
Quant à la question, enfin, des objectifs de la créativité, elle se pose aussi, finalement dans les mêmes termes pour les autistes et les non autistes. Créer, c’est mettre un peu d’ordre dans ses représentations personnelles, c’est renouer chacun avec nos parties les plus profondes. Pour ceux qui sont autour des créateurs, les parents, les soignants, c’est une façon d’être ensemble dans cet acte créateur partagé. Il y a là une merveille au niveau de la prise en charge, et je suis vraiment très reconnaissant à tous les enfants qui ont produit les œuvres présentées aujourd’hui, aux parents qui se sont exprimés, et aux équipes soignantes, qui tout au long de leur travail doivent justement faire preuve de créativité.
Accueillant l’événement, l'Institut Imagine a tenu à revenir sur sa mission « Qu’est-ce que fait Imagine ? Toutes les plateformes de recherches et d’innovation ont été ouvertes pour les diagnostics des enfants atteints de troubles du spectre autistique. Il y a ici une plateforme de recherche fantastique. On voit toutes les semaines des enfants qui n’ont jamais été explorés, qui ont des dossiers médicaux vides. Ce n’est pas de votre faute, c’est nous collectivement le corps médical qui n’a pas été capable d’organiser une offre de soin adaptée à leur maladie : trop d’attentes, trop de réticences de la part des professionnels devant les difficultés, réticences devant l’échec qui est bien souvent le nôtre dans ces maladies. La recherche organique au niveau d’un syndrome autistique est la première cause de consultation que les enfants soient envoyés par un psychiatre, qu’ils soient envoyés par une institution, que les parents viennent de leur propre chef, tout confondu, à la recherche d’une cause organique, qu’elle soit neurologique, métabolique, génétique… Il fallait enfin que notre hôpital public, notre Inserm, notre institut de recherche apportent la Rolls à l’entrée de l’hôpital de jour et de l’IME. Je suis extrêmement fier de ce partenariat avec Bernard Golse et son service à Necker, avec la CIPPA, extrêmement fier aussi grâce à l’hôpital Necker d’avoir pu amener le meilleur de la médecine aux portes des hôpitaux de jour et des IME. Ce n’est pas aux enfants de supporter l’attente mais à nous de nous adapter à leurs possibilités et à leurs besoins. »
De nombreux professionnels et institutions ont assisté à l'événement ce jour-là, dont l’hôpital de jour Boulloche présentant des œuvres réalisées par les enfants parmi lesquelles une fresque de mosaïque « Au-delà du conte », projet d’envergure conduit par les enfants dans le cadre de l’atelier d’arts plastiques de Monica Vasquez.
Un autre projet pour cet hôpital de jour avec un documentaire « Synapses – zones de connexion en cours… » ayant filmé les enfants dansant, en partenariat avec le chorégraphe Philippe Ménard et Cie pm. La diffusion a eu lieu pendant la soirée, projetée sur un grand écran. Ce projet a reçu de nombreux soutiens et financements : ARS et Drac Île-de-France, la mairie du 10e arrondissement, les fondations Princesse Grâce de Monaco et Deloitte.
Retrouvez leur très bel article nous parlant des médiations artistiques et culturelles à l’EPI.
Ce fut une très belle soirée au cours de laquelle beaucoup d'autres intervenants ont aussi pu témoigner de la créativité des #HeroesForImagine et cela restera un très beau moment d'échange autour de la prise en charge des enfants autistes dans les institutions.
Pour en savoir plus sur les participants, nous vous renvoyons vers le programme détaillé de la soirée qui était en partenariat avec :